„Varroa: Ein Kampf ohne Ende“

Porträt des Sensler Imkers Walter Kilchmann in der Tageszeitung La Liberté:

Contre le varroa, une bataille sans fin

Walter Kilchmann: propriétaire d’une quarantaine de ruches, il étudie le varroa depuis 2009. © Charly Rappo
09.05.2019

Apiculteur à Saint-Sylvestre, Walter Kilchmann surveille les avancées du parasite
Jean Ammann

Walter Kilchmann (74 ans), domicilié à Saint-Sylvestre, possède une quarantaine de ruches. Il est apiculteur depuis toujours, depuis qu’il a appris le métier à la rigoureuse école de son père, mais il surveille le varroa, «cette charogne», depuis 2009 seulement. Il tient le décompte des attaques et des pertes dans des carnets manuscrits. Ce qui lui permet de dire que l’année 2016 fut «une horreur pour le varroa». Ce qui lui permet de dire aussi que l’ennemi est imprévisible: «Cela change chaque année», soupire-t-il, en se demandant ce que 2019 réserve aux apiculteurs. «Cet hiver, mes ruches étaient faibles comme jamais… Je n’avais jamais vu autant d’abeilles frappées de maladies.»

«Le varroa est arrivé en Suisse en 1984. Il est venu d’Asie, principalement véhiculé par les faux bourdons, qui volent sur de plus grandes distances et qui peuvent entrer sans résistance dans toutes les ruches», résume Walter Kilchmann. Le varroa, c’est l’histoire d’une guerre éclair: en cinq ans, il avait colonisé la totalité des ruches du pays.

Il se nourrit de graisse

Le varroa est un parasite, un acarien, dont on croyait qu’il se nourrissait du sang des abeilles: «Les nouvelles recherches montrent que le varroa se nourrit de la graisse des abeilles», corrige Walter Kilchmann. La femelle se laisse enfermer dans les cellules des abeilles, avant l’operculation. Il faut savoir que les abeilles pondent dans des cellules, que ces œufs éclosent d’une larve et qu’entre le 8e et le 9e jour, lorsque le taux d’humidité est suffisamment bas pour garantir la conservation de la larve, la cellule est recouverte d’un petit bouchon de cire: c’est la phase de l’operculation. Et c’est à ce moment que le varroa, bien planqué sous ce couvercle, pond ses propres œufs, de deux à six. Un mâle, d’abord, qui va ensuite féconder ses sœurs.

Vingt pour cent seulement des varroas se trouvent sur les abeilles, 80% se trouvent dans le couvain, c’est-à-dire l’ensemble des nymphes, des larves et des œufs qui est protégé par les abeilles ouvrières. «L’essentiel des varroas se tient dans le couvain, précise Walter Kilchmann. Le printemps, c’est la période la plus propice au varroa: chaque mois le nombre de varroas double! Il peut arriver qu’une abeille, porteuse du parasite, sorte de la ruche et que le varroa tombe… C’est notre seule chance de le détecter dans une ruche.» L’apiculteur doit sortir ses grilles et les langes, «un papier blanc que l’on place sous les grilles», détaille Walter Kilchmann.

Porteur de 28 virus

L’apiculteur doit donc vérifier ses grilles et ses langes. Il doit se montrer particulièrement vigilant entre les mois d’avril à juin. Et s’il trouve trois varroas par jour, il doit agir: soit avec de l’acide formique, soit avec de l’acide oxalique. Dans les cas les plus graves, le couvain doit être détruit. «De toute façon, poursuit Walter Kilchmann, si l’on ne fait rien, les ruches vont crever.»

Parce que le varroa mérite bien son nom complet: Varroa destructor. Cet acarien, qui pour la femelle mesure entre 1 mm et 1,8 mm pour 2 mm de large, est porteur de virus, d’une quantité impressionnante de virus. «Au total, il est porteur de 28 virus!» se désole Walter Kilchmann. Cinq maladies virales sont bien connues des apiculteurs: la virose de la paralysie aiguë des abeilles, la maladie des ailes déformées, la virose de la paralysie chronique des abeilles, la virose du couvain sacciforme et la virose de la cellule royale noire… Avec les années, la virulence du varroa ne fait qu’augmenter: «Je n’ai pas d’explication, reconnaît Walter Kilchmann, mais au début, le varroa faisait peu de dégâts dans les ruches suisses. Aujourd’hui, les varroas sont porteurs d’une forte densité de virus.»

Appel à la mobilisation

Walter Kilchmann dit qu’il livre contre le varroa «une bataille sans fin». Il appelle les apiculteurs à la mobilisation: «Il faut sortir ses grilles tous les quatre jours, il faut compter les varroas. C’est du boulot!» lâche l’apiculteur de Saint-Sylvestre. Au début du mois d’avril, il est venu à Bulle, parler devant les apiculteurs de la Gruyère, qui l’ont écouté, vaguement abasourdis. «Les propos de Walter sont dérangeants», a lâché un auditeur. «Je ne sais pas pourquoi il a dit ça… Mes propos sont peut-être dérangeants parce que j’ai fait comprendre à une partie des apiculteurs qu’ils ne travaillaient pas assez», résume Walter Kilchmann, l’homme qui se dresse face au Varroa destructor.


«Jusqu’au dernier grain de pollen»

Les abeilles déclinent, mais le Varroa destructor n’est certainement pas la seule menace. L’agriculture intensive porte une lourde responsabilité.

Le dernier rapport annuel du Centre de recherche apicole de Liebefeld, disponible sur le site de la Confédération, date de 2016 et il fait état d’une diminution de 10% des colonies d’abeilles durant l’hiver 2015/2016, «l’une des plus basses valeurs enregistrées durant ces 9 dernières années», notent, d’un ton réjoui, les experts fédéraux. Cette diminution des abeilles s’inscrit dans un contexte alarmant, qui voit l’ensemble des insectes décliner.

Les abeilles mellifères souffrent et se raréfient. C’est un fait constaté dans toute l’Europe. Pourquoi? Il y a bien sûr les effets ravageurs du varroa, mais ce n’est certainement qu’une partie de l’explication: «Les chercheurs de Liebefeld, note Walter Kilchmann, font un bon travail, mais ils sont focalisés sur le varroa. Je pense que ce n’est qu’une partie du problème: les abeilles sont confrontées à des menaces multiples et conjointes.»

Il faut chercher un coupable du côté de l’agriculture, qui livre une guerre sans merci aux fleurs: l’agrochimie a inventé des herbicides sélectifs, qui n’épargnent rien d’autre que l’herbe. «Dans certains champs, il n’y a même plus de pissenlits, s’attriste Walter Kilchmann! Il n’y a que du foin. Pour les abeilles, c’est comme un désert.» Toujours du côté de l’agriculture, il y a l’usage des néonicotinoïdes, ces substances qui agissent sur le système nerveux central des insectes et qui, bien naturellement, se retrouvent chez les abeilles: «Les chercheurs ont montré que ces pesticides affectaient les reines, même deux ans après avoir été en contact avec le produit», rappelle Walter Kilchmann, qui constate qu’un paysan peut traiter ses cultures jusqu’à quatre fois en six mois, sans que personne ne sache ce qu’il déverse.

A Bulle, devant le cercle des apiculteurs de la Gruyère, Walter Kilchmann a confié son désabusement: «Tout est pollué, jusqu’au dernier grain de pollen. Je ne comprends plus le monde.» Et c’est au-dessus de ce monde incompréhensible que vole l’abeille, la pauvre abeille. ja


«Quand les insectes ont le bourdon»

Après L’éloge du ver de terre, paru en 2018, Christophe Gatineau, aidé cette fois de Sylvie Corré, publie un Eloge de l’abeille – Quand les insectes ont le bourdon (Flammarion, 246 pp., parution le 15 mai). Agronome spécialisé en permaculture et agroécologie, Christophe Gatineau raconte le silence qui gagne la nature, le terrible silence qui suit le bourdonnement.

Certes, il faut sauver l’abeille. Mais quelle abeille? Il y a, en France, 1000 espèces d’abeilles. Les auteurs parlent bien sûr d’Apis mellifera, l’abeille domestique, celle qui transforme si généreusement le pollen en miel. Mais ils voient aussi dans l’apiculture une forme d’exploitation animale. «Faire l’éloge de l’abeille n’est pas faire l’éloge de l’apiculture», écrivent-ils. Ils constatent que l’apiculture obéit aux mêmes règles que le reste de la paysannerie: on élève des abeilles comme on élève des poules ou des cochons, avec le seul souci de la rentabilité.

Les abeilles en général et tous les insectes sont victimes des pesticides, dont le fameux glyphosate de Monsanto. Ce produit perturbe le métabolisme de l’abeille, son développement et ses déplacements. De nombreuses études prouvent sa dangerosité, sur l’homme comme sur l’animal, mais l’Agence européenne des produits chimiques refuse de considérer le glyphosate comme carcinogène… On aurait souhaité que les auteurs se penchent sur le cas des néonicotinoïdes, ces nouveaux insecticides dont on peut craindre le pire.

Le livre se termine sur cet avertissement: «La disparition des insectes est un phénomène beaucoup plus inquiétant que le réchauffement climatique.» Nous voilà complètement rassurés. ja

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